Repeins les murs d'une vaste cuisine ce matin (pas la mienne, de cuisine, la mienne occupant un espace de 3 m2 -ce qui me suffit amplement).
Attaqué à 8h, fini à 12h, juste le temps de rentrer pour écouter une patiente. (deuxième couche de peinturer prévue samedi matin)
Et cet après-midi promenade en mode zombie au bord de la Dore (j'ai bien failli m'endormir sur un banc bercé par les zoziaux, mais fallait que je reste éveillé pour garder le contact avec Iris.)
C'est là que je me rappelle quel choix de vie j'ai fait. Travailler le moins possible (sauf quand, vraiment, ça me plaisait - ce qui fut rare. Pour être honnête, la seule expérience plaisante de travail - au sens de travail salarié s'entend - c'était quand je tenais ce petit foyer nordique en montagne durant l'hiver. Là, je pouvais sans problème enquiller 12 heures de boulot par jour (dont quelques heures de ski, faut admettre )
Sinon, j'ai évité. Mon cabinet de psychanalyse m'a permis de grappiller quelques pesetas histoire de ne pas finir à la rue (mais je n'ai que rarement dépassé les 20h/semaine), et, ces 15 dernières années, j'ai pris soin de garder du temps, beaucoup de temps, l' "essentiel" de mon temps, pour lire, écrire, faire mes recherches, écouter de la musique, me promener avec les chiens. Aujourd'hui, l'âge venant, je consacre la quasi-totalité de mon temps à la ce qu'on pourrait appeler une vie de l'esprit (oui, je résiste à l'idée de n'avoir qu'un cerveau, et me plais à utiliser les mots "âme" et "esprit" pour emmerder les scientistes réductionnistes). J'en serais quitte pour finir mon existence dans la pauvreté et attendre le minimum vieillesse, si ça existe encore (et si j'arrive jusque là). Les adeptes de la secte du travail-c'est-la-santé s'en réjouiront : "bien fait pour toi, paresseux !"
Ça me va fort bien. J'aurais pu être peintre d'intérieur. Statistiquement, j'avais toutes les chances à la naissance, étant donné ma situation socio-économique de départ, de devenir ou bien ouvrier du bâtiment, ou bien bosser à l'usine, ou bien délinquant (on dit maintenant : narcotrafiquant)
Sinon !
Iris, pendant la promenade, avise soudain deux jeunes femmes qui marchent devant elle, et court vers elles en remuant la queue, prise d'une joie intense. Je crois qu'elle pensait avoir reconnu Delphine, ou quelqu'un qu'elle connaît. Elle leur fait la fête avant de se rendre compte de sa méprise. Les deux jeunes filles, dont l'une est voilée, en rigolent. Je leur explique l'histoire (la méprise). On discute sur les raisons qui ont pu faire penser à Iris que.. une odeur ? Une silhouette ? Le timbre d'une voix ?
C'était vraiment merveilleux cette promenade, comme souvent à cet endroit. Quelques jeunes gens qui se promènent et discutent, on se croirait dans un parc à Alger ou Istanbul. De vieilles dames aussi, voilées elles aussi. Quelques couples. Un pêcheur à la ligne. Quelques retraités avec leur toutou.
Je pense à un jeune coureur cycliste belge, Remco Evenepoel, une des stars du peloton actuellement (oui, je suis assidûment les courses cyclistes pro, et ce depuis mon enfance je crois), qui s'est fiancé avec une jeune femme musulmane, et qui expliquait récemment qu'il s'était remis d'une période difficile pour lui en priant avec elle. Il n'a pas dit qu'il s'était converti à l'Islam, juste qu'il a prié avec elle, qu'elle lui a appris à prier. Ça a évidemment fait scandale chez tous les supporters beaufs et racistes, comme si leur idole trahissait quelque chose (sa whiteness, sa blancheur).
Une jeune patiente, à la peau blanche et pâle, blonde comme les blés, est amoureuse d'un garçon de l'Islam : elle me confie qu'elle trouve cette religion très belle, que ses ami‧es musulman‧es ont de belles valeurs, mais elle n'est pas tendre avec lui quand il sort des trucs machistes (car elle est aussi féministe).
Je suis vraiment touché par ces jeunes gens. Ils me fournissent je crois ce qui ressemble le plus à des lueurs d'espoir, moi qui n'en ai pas beaucoup, d'espérance.